25 novembre 2025

Eurocommunisme : retour sur une période charnière (1968-78)

Par Laurent Lévy 

Le formidable et émouvant film Berlinguer, la grande ambition  [2024, de Andrea Segre, avec dans le rôle du secrétaire-général du  Parti communiste italien de 1972 à 1984, Elio Germano] a paru en France au moment où est publié mon livre Histoire d’un échec – la stratégie « eurocommuniste » du PCF (1968-1978) [2005,  Arcane17]. 

Ces deux expériences - bien qu'elles se soient soldées par des  échecs - ont encore des choses à nous apprendre. Elles sont bien sûr très différentes. Ce qui explique qu’une même étiquette  « eurocommuniste » ait pu leur être accolée, c’est que dans les  deux cas, de grands partis communistes s’efforcent de définir des  « voies démocratiques au socialisme » et insistent sur le caractère  démocratique que ce socialisme doit lui-même revêtir. Ils affirment que leurs stratégies doivent être autonomes, ne pas dépendre d’un quelconque « centre » du mouvement communiste  international. Cela comporte tensions et ruptures à l’égard du PC de l’URSS (des épisodes passionnants du film Berlinguer en  témoignent). 

Le cas italien, dont le film raconte la séquence 1973-78, est celui d'un pays miné par des contradictions qui tournent au drame, entre des attentats fascistes et l'aventure des Brigades Rouges. Le PCI à cette époque pouvait revendiquer 1,7 millions d’adhérent·es.

Le cas français, avec l’union de la gauche autour d’un programme  commun d’une grande radicalité (nationalisation de larges pans de  l’industrie et de la finance, grandes réformes démocratiques…) largement influencé par celui d'un PCF quasi hégémonique dans la  classe ouvrière (il passe dans la période de 250 à 560 mille membres), nous parlera sans doute plus. Les conditions de son échec résonnent avec certains aspects de la situation présente, comme la question de la construction de la double hégémonie de la gauche sur la société et des anticapitalistes sur la gauche, celle de l’électoralisme (« l’opportunisme de droite » dans le langage de  l’époque) ou celle de la nécessité, pour construire un  rassemblement majoritaire, d’organisations démocratiques  permettant l’appropriation par le plus grand nombre de la  réflexion et de l’initiative politique. Enfin, et peut-être surtout, la façon dont se combinent l’urgence des mobilisations de masse et les questions institutionnelles. 

Le PCF ne s’affranchit que trop lentement d’une conception  « étapiste » du changement, héritage d’un long retard pris dans sa  pensée stratégique. La déstalinisation, dont l’eurocommunisme est un autre nom, fut trop chaotique et improvisée pour être réalisée  en temps utile. 

Pour comprendre hier et penser aujourd’hui on peut souhaiter que  ces débats se poursuivent.

Le livre de Laurent Lévy à la librairie La Brèche


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